Corps & Image : Réelle ou fausse révolution dans la mode ?

Ce mois-ci nous avons essayé de retracer l’évolution des standards corporels dans la mode, de la minceur extrême des années 90 à la quête d’inclusivité actuelle. Entre avancées, résistances et enjeux marketing, il questionne l’avenir de la diversité sur les podiums et dans l’industrie.

MODE

5/6/20252 min temps de lecture

Dans l’ombre des coulisses, les mannequins patientent. Certains ajustent leurs tenues, d’autres se contemplent dans le miroir, conscients que chaque centimètre de leur corps sera scruté sous les projecteurs.

Les castings s’enchaînent, les exigences varient, mais une question persiste : quel corps mérite d’être mis en lumière ?

Depuis des décennies, la mode façonne un idéal, souvent inatteignable. Pourtant, quelque chose change. Lentement, mais sûrement.

Des corps standardisés à l’ère de la diversité

Dans les années 90, les podiums sont dominés par une silhouette longiligne et ultra-mince. Kate Moss incarne cet idéal avec son allure androgyne et sa célèbre phrase : "Nothing tastes as good as skinny feels." L’époque glorifie la minceur extrême, sans concession.

Les années 2000 voient apparaître un nouvel idéal : le corps athlétique, sculpté et tonique, dans une quête de perfection toujours plus exigeante. Les magazines regorgent d’articles sur les régimes miracles et les routines sportives des mannequins.

Mais dans cette quête d’uniformité, un manque devient criant. Où sont les autres corps ?

Un tournant vers plus d’inclusivité

Le vent commence à tourner. En 2016, Ashley Graham marque une étape historique en devenant la première mannequin taille 16 à figurer en couverture du Sports Illustrated Swimsuit Issue. Son succès ouvre la voie à une nouvelle représentation, où les formes ne sont plus un frein à la réussite.

D’autres figures suivent. Paloma Elsesser, muse de Fenty et de nombreuses marques de luxe, rappelle que la diversité ne doit pas être une simple tendance, mais une norme durable. Rihanna, avec Savage x Fenty, révolutionne la lingerie en mettant en avant des mannequins de toutes morphologies, des corps tatoués, en situation de handicap, androgynes.

Pourtant, derrière ces avancées, les chiffres montrent que le chemin est encore long. Selon une étude de Vogue Business, lors des fashion weeks automne-hiver 2025, seulement 0,3 % des mannequins étaient de taille plus, contre 94,9 % de silhouettes standards. Un constat sans appel : l’inclusivité progresse, mais reste minoritaire.

L’industrie évolue, mais à quel rythme ?

De nombreuses marques surfent sur le mouvement "body positive", mais l’authenticité de leur engagement interroge. Stratégie marketing ou véritable prise de conscience ?

Certains créateurs restent frileux à l’idée de bousculer les codes. Les mannequins "plus size" restent souvent cantonnés aux mêmes styles de vêtements, les retouches photo continuent de lisser les imperfections, et les podiums peinent à représenter la diversité réelle du monde.

D’autres, en revanche, prennent le contre-pied de ces standards figés. Des labels émergents, comme Ester Manas ou Karoline Vitto, placent la diversité au cœur de leur identité, en créant des collections pensées pour toutes les morphologies, sans concessions.

Et maintenant ?

Aujourd’hui, la mode se trouve à un tournant décisif. Les nouvelles générations exigent plus qu’une simple façade de diversité : elles veulent une représentation sincère, durable, qui ne se limite pas aux campagnes de communication.

Mais une question reste ouverte : quelle sera la prochaine révolution ?

L’inclusivité ne doit pas être une parenthèse. Elle doit devenir une évidence.

Et si, demain, la beauté n’était plus une question de normes, mais simplement une affaire de perception ?